Sarkozy en situation critique à un mois et demi du premier tour
De nouveau très largement distancé par François Hollande dans les sondages, le président-candidat joue son va-tout en donnant un sérieux coup de barre à droite à sa campagne. A Bordeaux, samedi, il a assuré que «l'immigration peut être un problème ».
C'est la douche froide. Trois semaines après son entrée en campagne et à désormais moins de cinquante jours du premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy se retrouve de nouveau en fâcheuse posture dans les sondages. Alors qu'il avait quelque peu comblé son retard sur François Hollande, le président-candidat voit l'écart de nouveau se creuser avec son adversaire socialiste. Dans
une enquête LH2 pour Yahoo publiée dimanche, il abandonne 3 points dans les intentions de vote pour retomber à un maigre 23%, quand le député de la Corrèze perd lui 1,5 point à un niveau encore très élevé de 30,5 %. Au second tour, le vainqueur de la primaire socialiste écraserait le chef de l'Etat avec 58% des voix. Une avance sans précédent pour un candidat si près du scrutin. Fait aggravant, la proposition choc faite la semaine dernière par François Hollande d'imposer les revenus de plus de 1 million d'euros à 75% est approuvée par 57% des Français, selon un sondage Ifop pour le JDD.fr. Alors que celle formulée le lendemain par Nicolas Sarkozy sur la rémunération des enseignants a fait
un flop retentissant dans notre sondage CSA de vendredi (70% des personnes interrogées préfèrent plus de profs contre 26% souhaitant des profs moins nombreux mais mieux rémunérés).
Ces résultats alarmant viennent clôturer une semaine de campagne très difficile pour Nicolas Sarkozy, hué à Bayonne, après avoir peiné à convaincre aussi bien sur le redémarrage de l'aciérie de Florange que sur les suppressions de postes à l'école. Et le renvoient à la case départ. Son interview au « Figaro Magazine », sa déclaration de candidature, les forfaits de Christine Boutin, Hervé Morin et Frédéric Nihous lui avaient permis un moment de reprendre du poil de le bête dans l'opinion, d'installer un début de dynamique et de se rapprocher de François Hollande dans les intentions de vote au premier tour. Las, sa conversion soudaine aux vertus du référendum, sa proposition rapidement mort-née d'introduire de la proportionnelle aux législatives ou d'augmenter la feuille de paie des salariés modestes en supprimant la prime pour l'emploi n'ont manifestement pas autant accroché dans la population qu'il l'espérait.
Coup de barre à droite
Nicolas Sarkozy sait qu'il doit faire le meilleur score possible, voire arriver en tête au premier tour pour avoir une petite chance de l'emporter au second le 6 mai. Il en est de nouveau très loin. Le dos au mur comme jamais, il a, semble-t-il, décidé de renouer avec les accents de sa campagne victorieuse de 2007 sur les questions d'immigration et d'identité nationale. Un coup de barre à droite visant à assécher en partie le vivier électoral de Marine Le Pen, quitte à dégager un espace au centre droit à François Bayrou.
A Bordeaux, samedi soir, le président-candidat a ainsi estimé que « l'immigration peut être un problème » et a proposé de durcir les conditions du regroupement familial. «Nous devons réduire le nombre des arrivées sur notre territoire», a-t-il affirmé. Il s'en est pris au droit de vote aux étrangers aux élections locales, que le Parti socialiste veut instaurer, jugeant que « c'est ouvrir la voie au vote communautaire » et « mettre les maires sous la pression du chantage », notamment pour les menus dans les cantines scolaires. Alors même que la polémique bat son plein sur viande halal depuis les déclarations de Marine Le Pen sur cette question. Dans son discours, Nicolas Sarkozy a, d'ailleurs, plaidé en faveur de « l'étiquetage de la viande en fonction de la méthode d'abattage ». Soutenant en ce sens son ministre de l'intérieur
Claude Guéant, qui a provoqué un tollé à gauche en faisant vendredi soir le lien entre droit de vote aux étrangers et nourriture halal dans les cantines.
Ce « retour aux fondamentaux » présente toutefois le risque d'apparaître comme une manoeuvre de la dernière chance quand tout le reste à échoué, comme un ultime « coup » après tant d'autres dans une campagne sans fil directeur. Dans l'attente du moins du meeting de dimanche prochain à Villepinte, censé mettre en cohérence le projet du président-candidat.
Les échos
STÉPHANE DUPONT