Nous avions fixé ce thème très longtemps avant de savoir que cette semaine serait marquée précisément par des orientations sur ce sujet, qui sont pour nous des orientations choquantes, pour quelques-uns d'entre nous bouleversantes, et naturellement cela donne un cadre à cette rencontre.
Dans son intervention d’hier, Nicolas Sarkozy a prononcé le mot de 'valeurs', et précisément c'est sur ce sujet-là que va se livrer une part importante du débat, du combat de l'élection présidentielle. Valeurs contre valeurs.
J'ai dit ce matin à l'ouverture que, pour nous, le projet de société que nous présentons et défendons devant les Français se résume en un mot : humanisme.
Je veux vous dire que l'humanisme est un projet à part entière qui considère que la personne humaine qui se libère des aliénations qu'on lui impose, dans sa liberté, dans la reconnaissance qu'on lui doit et qu’elle doit, dans son bien-être, sa force créatrice, est l'horizon des sociétés dans lesquelles nous vivons.
Tout le monde sait bien sûr que l'on vit ensemble. On vit ensemble dans l'enfance, dans la maturité, dans la famille, dans le travail, dans la vie civique. Mais, au bout du compte, c'est dans la réalisation personnelle que se signe l'accomplissement d'une vie.
Je ne parle pas seulement de bonheur, je fais attention quand je prononce le mot « bonheur » parce que c'est un mot qu'il faut prononcer avec retenue, en politique en particulier, mais dans sa liberté de penser, dans son jugement, dans les conditions matérielles de sa vie et de celle de sa famille, dans un certain équilibre que l'on finit par trouver dans, si on le peut, la transmission aux générations qui viennent de ce que nous avons de plus précieux.
Alors c'est cela qui, en effet, fait l'humanisme ou le projet humaniste d'une société, celui en tout cas que nous voulons. Nous croyons que rien de tout cela n'arrive par hasard. C'est le fruit de notre vie en société, de la bonne santé d'un pays, du bloc de certitudes que nous avons en commun et qui nous font vivre ensemble.
C'est pourquoi nous pensons qu'humanisme signifie en même temps liberté et solidarité.
La liberté n'est pas un acquis, elle n'est pas naturelle, elle se construit et elle se construit contre un certain nombre de tendances naturelles de l'humanité. Ce qui est naturel, si on laisse faire, c'est la domination des forts sur les faibles, l'aliénation. La liberté se gagne par des conditions matérielles de dignité, de logement, de santé, de revenu, elle se protège par la loi, elle se construit par la culture et le parler droit.
La solidarité non plus n'a rien de naturel. Ce qui est naturel, c'est l'égoïsme. La solidarité au contraire exige le partage, l'élaboration de mécanismes de soutien, d'alerte. Donc la liberté et la solidarité, ensemble, sont le fruit de politiques décidées en commun, soutenues, encouragées, conduites par la puissance publique.
Eh bien la France est ce pays qui, sous le nom de République, a fait de l'humanisme son idéal national.
La République libère de toutes les dépendances et garantit le vivre ensemble. C'est pourquoi elle protège les consciences par la laïcité.
La République n'abandonne pas les plus faibles. C'est pourquoi elle construit des sécurités : assurance maladie, assurance vieillesse, assurance accident du travail, assurance-chômage.
La République investit dans l'avenir. C'est pourquoi elle a porté la politique familiale la plus déterminée de tout le monde occidental. C'est pourquoi elle considère que l'école, dont nous avons parlé ici même la semaine dernière, est l'alfa et l'oméga, le commencement et le but de son projet.
La République sait que la solidité d'une chaîne se juge à la solidité de son maillon le plus faible, c'est pourquoi elle considère le handicap et la dépendance comme son affaire, la lutte contre la précarité et les discriminations comme son affaire.
Voilà les convictions qui sont les nôtres et celles de la République. Elles ont été portées avec constance au travers du temps par les courants de pensée démocratiques et républicains qui ont fait la France.
Or, ce que l'on nous propose aujourd'hui, ce que Nicolas Sarkozy présente comme valeurs, c'est à mes yeux la négation même d'un certain nombre de ces valeurs qui ont fait la France ! L'idée, pour gagner des voix, d'un référendum organisé sur le droit des chômeurs, c'est la négation de ce qu'un chef d'État doit à un pays comme la France. Ce ne sont pas les chômeurs qui sont responsables du chômage, ce sont les gouvernants !
Il y a peut-être dans le rang des chômeurs, probablement ou sans doute, quelques abus, mais pas davantage que dans le monde de la finance, pas davantage que dans le monde de certains élus lorsqu'ils abusent des fonds publics ! S'il y a des abus, il faut y répondre, corriger, mais pas en faisant des chômeurs le symbole des dérives d'une société dont ils sont les victimes et pas les coupables ! Vous voyez ce que le référendum veut dire. Le référendum, nous le savons bien, chaque fois qu'un sujet est passionnel, c'est l'assurance de faire flamber les passions. Et lorsque le sujet du référendum, ce sont des personnes, chômeurs ou étrangers, alors c'est contre ces personnes que les passions flambent et nous savons bien que pour obtenir le oui, s'il y a référendum, il faudra exposer, étaler largement des exemples d'abus. Alors, on votera contre le voisin d’immeuble, le voisin de pallier, le voisin de village, et on déchirera ainsi la société française.
Les hommes politiques ne devraient pas s'y prêter. Les hommes d'Etat devraient se l'interdire et le président de la République en fonction plus que tout autre car sa mission, sa fonction, c'est d'avoir charge de tout un peuple non pas pour le diviser, mais pour l'unir. C'est cela la fonction d'un président de la République.
Aucun des présidents de la République précédents, aucun, ni Charles de Gaulle évidemment, ni Georges Pompidou, ni Valéry Giscard d'Estaing, ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac, aucun n'aurait accepté et exposé son pays, à l'ouverture d'une campagne électorale, à une telle perspective.
Nous savons bien ce qu'il y a derrière cette orientation. Il y a l'idée que c'est l'électorat d'extrême-droite qui constitue le grand grenier à voix de cette élection présidentielle, que c'est en jouant de cette corde : 'les chômeurs ne fichent rien, ce sont des feignants', ou bien 'les étrangers, voilà la question'. On croit que l'on peut puiser dans cet électorat. Il y a que ces gens pensent que la fin justifie toujours les moyens.
Pour nous, les moyens ne sont pas différents du projet. 'Le projet est dans les moyens…', c'est Gandhi qui disait cela, '…comme l'arbre est dans la graine'.
J'affirme qu'aucun des hommes et des femmes politiques du centre ou qui ont eu des convictions du centre, même s'ils sont après allés vers d'autres partis, aucun de ceux qui sont même allés à l'UMP ne peuvent accepter cela. J'affirme que la droite républicaine française, pas plus que la gauche ne peuvent l'accepter, et les visages sont nombreux qui nous le rappellent : Chaban et sa nouvelle société ; de Gaulle et la participation ; les libéraux qui attachent un si grand prix à la sagesse de la loi. Aucun d'entre eux ne doit se taire quand on voit à quels ressorts on est en train de faire appel pour jouer une élection.
Le moment est venu de lancer un appel : je le dis à tous ceux, au centre, dans la majorité ou dans l'opposition, je dis à tous les Français qui ont une certaine idée de la France, qui sont des républicains et des humanistes, qu'il y a des choses que l'on n'a pas le droit de laisser faire ou de laisser dire, qu'il y a des directions que l'on n'a pas le droit de laisser prendre. Il est un moment où la politique s'arrête, les intérêts politiques, les intérêts de camp et de parti et où commence la défense de l'essentiel, la défense du monde que l'on veut transmettre aux enfants ! Le moment est venu de dire : c'est assez, cela suffit, stop, nous n'irons pas dans cette direction !
Quand un homme qui exerce les fonctions de président de la République, en annonçant sa candidature dit : 'Je ferai deux référendum, un sur les chômeurs, l'autre sur les étrangers', alors il ne parle pas de lois, de règlements, d'amélioration, de changement. Ce qu'il fait, c'est qu'il donne à entendre volontairement à une société en mal d'être que le chômeur et l'étranger sont les deux responsables de la maladie du pays.
Eh bien, je regrette d'avoir à lui dire ceci : nous sommes la société, nous, France, nous sommes la civilisation -puisqu'il aime tant parler de civilisation- qui depuis 2000 ans refuse de faire de l'étranger et du chômeur les coupables de nos maux. Nous sommes la civilisation qui refuse de faire du faible le responsable des mauvais choix des forts !
Nous allons montrer que les héritages dont nous avons la charge, que ces valeurs précisément, doivent être défendues, et elles doivent être défendues non pas par d'autres mais par nous. Nous allons montrer que l'humanisme ne se divise pas. Nous allons montrer que l'humanisme, sait se battre. Nous allons réarmer l'humanisme comme force de combat à l'entrée de cette élection présidentielle
Quel excellent article!
RépondreSupprimerLe mot "HUMANISME" y est parfaitement défini.
François BAYROU est le digne représentant de cette philosophie.
Il sait mettre en effet l'Homme et les Valeurs humaines au-dessus des autres valeurs.
Par contre Le Gouvernement actuel ne doit pas fustiger les chômeurs.
S'il est vrai qu'il y a "quelques profiteurs" parmi ces derniers, c'est plutôt le chômage qu'il faut incriminer.
Jeter "l'anathème" sur des personnes sans emploi est inadmissible.
Il vaudrait mieux se préoccuper de la formation, de stages à offrir à ces derniers, tout en tenant compte de leur lieu de résidence, de leur niveau de qualification, de leur(s) aspiration(s)...
Ainsi CHACUN pourrait y trouver son intérêt, aussi bien les responsables d'entreprises que les personnes qui aspirent à trouver "un job" le plus rapidement possible pour VIVRE !